philippe Jacquard
Dans l’atelier, elles multiplient l’espace, le saturent et engloutissent le regardeur dans les perspectives. Clichés en série, les peurs archivées passent au carbone 14 et rendent l’âme de l’artiste. Profondes et légères, blocs suspendus … en apnée.
Et puis le temps de la marche, la découverte de la différence, de l’humanité naissante : Lucie se lève, avançant dans la boue du temps, laissant son empreinte pour signature, et la lointaine image de sa silhouette dans un trou noir.
Les respirations, expirations du peintre expriment tous les mouvements du corps, les accidents de l’équilibre, l’expérience du vide par le temps dissolu. L’écriture de Philippe Jacquard est plastique : biffures, interventions, chocs, la tentative d’une trace, aléatoire du geste et phrasé de l’inconscient, hiéroglyphes du rêve de l’humanisme… Pliures du papier.
On plonge parfois dans l’abîme de la lumière aveuglante, les contrastes forts donnent l’éclairage incertain de l’interprétation. Ne peut-on sentir que l’instant où le regard croise l’œuvre ?
L’absence de la ligne, la matière pour perspective racontent les frottements, les tourments. L’épreuve du peintre se révèle par le marouflage, ultime incidence, dernière manipulation.
Dans la blancheur opacifiante, le bleu adouci du gris. Le bleu qui tente de percer, un appel de l’esprit vers l’épaisseur, la couleur, les terres échappées …
Des fragments primitifs, arcanes de rêves et de cauchemars, comme une urgence organique fœtale ou mortelle, les peurs bleues, celles de l’origine, cosmiques ou internes.
Blessures au sang figé dans l’effroi de celui qui regarde ou de celui qui se trouve derrière, en arrière de ces créations toujours en autonomie, comme libres de toute contrainte, jouant avec le hasard et la nécessité.
Philippe Jacquard est un suiveur de sensations, d’instants volés à ce qui nous dépasse et échappe à l’interprétation classique. Il invite au regard pur, vierge pour un voyage dans les profondeurs du temps et de l’espace, au langage plastique pour une narration libre et poétique.
Anne COURT